Résumé de : « Vous pouvez lutter pour votre vie, les facteurs psychiques dans l'origine du cancer » de Lawrence LeShan (1977)
Résumé rapide de : « Vous pouvez lutter pour votre vie, les facteurs psychiques dans l'origine du cancer » de Lawrence LeShan (1977)
Introduction :
Le Docteur Lawrence Leshan, détenteur d'un doctorat de Philosophie en développement humain (Human Developpement) aux USA, est psychologue clinicien et chercheur depuis plus de 50 ans.
Il a notamment produit des études suivant des processus scientifiques sur les liens entre psychologie et cancer, principalement sur ceux en phase terminale. Depuis, son intérêt s'est aussi porté sur des aspects spirituels et la parapsychologie. Dans ce livre, ses discours sont proches de la psychologie humaniste puisque centrées sur l'épanouissement du sujet (Abraham, Lowen,...).
De ses observations et conclusions, il a déterminé une thérapie nommée « thérapie de choc », dont il dit avoir prouvé l’efficacité sur des groupes de personnes atteintes d'un cancer en phase terminale.
Cette thérapie, même si elle est d'un succès limité dans les rémissions totales (plus de 5 ans sans récidive du cancer ; LeShan ne donne a aucun moment les chiffres exacts sur les résultats), permettrait à ceux qui ne connaissent pas de rémission, de trouver une vie épanouie pour les mois restant.
Sa méthode, qu'il présente comme radicale joue aussi sur l’imminence de leur fin annoncée, qui permet au thérapeute d'être plus direct et le patient a moins de résistance à la révélation de sa vraie personnalité.
Pour résumer rapidement, sa thérapie a pour but de tirer le meilleur de soi-même pour vivre. Elle est centrée sur le développement, l'évolution intérieure et l'épanouissement des malades. Celle-ci est en plusieurs étapes :
-
d'abord le thérapeute devient presque « le meilleur ami » du malade
-
ils abordent ses émotions « bloquées » par des méthodes pour les libérer (« machine à voyager dans le temps »)
-
la méthode « que souhaitez vous vraiment ? » est appliquée, avec des plans d'action. De quels changements la personne a-t-elle besoin pour obtenir plus de motivations à vivre ?
Résumé détaillé :
Dès le début de son livre, LeShan parle du lien entre facteurs psychologique et apparition d'un cancer. Il évoque les théories allant dans ce sens, comme celles de Richard Worthington qui émet l'hypothèse d'un rapport entre cancer et la perception que le patient a de lui-même et de son environnement (p20). Il annonce très clairement la difficulté à amener une preuve scientifique de ces liens. Pour étayer sa théorie, il tenta une approche expérimentale. Il mena de nombreux test de Rorschach (le fameux test « angoissant » des tâches d'encre) sur des patients atteints de cancer mais il constata que ces derniers étaient sur la défensive et que cela faussait les tests. Le deuxième test utilisé fut celui du T.A.T. (des dessins sont le patient doit inventer l'histoire), mais il constata aussi des réactions négatives. Enfin il eut de meilleurs résultats avec le test « Worthington Personal History », qui est un questionnaire de 4 pages à remplir par le patient sur sa vie et qui permet de dégager un profil de personnalité. 455 personnes cancéreuses furent soumises à ce test et près de 12 000 dossiers servirent de groupe témoin. 250 courtes interview sur 14 ans furent aussi réalisées. « Le trait le plus frappant était que le patient avait perdu toute raison d'être (autrement dit sa raison de vivre) » (p32). LeShan remarque avant le démarrage du cancer la perte d'une relation sociale capitale (conjoint, décès d'un parent, départ des enfants, licenciement...). Cette étude révéla aussi une tendance dans « l'incapacité de l'individu à exprimer colère ou ressentiment »(p34) ainsi qu'une tension émotionnelle lié à la mort du père ou de la mère.
Pour tenter de valider le lien entre ces facteurs et le cancer, LeShan se procura 28 formulaire du même test WPH, 15 avait été remplis par des patients atteints d'un cancer et 13 par un groupe témoin sans savoir lesquels étaient de chaque groupe. Il put prédire à quel groupe appartenait chaque personne dans 24 cas sur les 28. Ensuite il compara 152 tests WPH de personnes atteintes d'un cancer à 125 tests d'un groupe témoin sur trois facteurs. En voici le résultat :
|
Personnes atteintes d'un cancer N:152 tests WPH |
Groupe de contrôle N:125 tests WPH |
Perte d'une relation vitale |
109 (72%) |
15 (12%) |
Incapacité d'exprimer de l'hostilité |
71 (47%) |
31 (25%) |
Tension due à la mort d'un parent |
58 (38%) |
13 (11%) |
Suite à ces résultats, il entreprit de donner des cures de psychothérapie à 70 personnes ayant un cancer en phase terminale et 88 sujets non atteints de tumeur maligne. Les profils qu'il rencontra lui firent évoluer sa pratique et lui permirent d'établir sa « thérapie de choc ». Il dressa un profil émotionnel de ces patients :
-
Le désespoir fut un des grands point commun des patients en phase terminale, bien avant le diagnostic du cancer.
-
Il remarque aussi que le fait d'être face à un mal incurable est une occasion de démarrer une psychothérapie pour de nombreuses personnes qui le refuseraient sinon.
-
« Dans presque tous les cas, un préjudice avait été porté aux facultés naissantes de l'enfant de communiquer avec autrui, et cela au cours de l'enfance, généralement dans les 7 premières années » (p60)
-
Les personnes atteintes d'un cancer rencontrées par LeShan semblaient tous disposer de plus d'énergie émotionnelle qu'ils ne pouvaient en dépenser. « C'est une sainte » ou encore « C'est un homme si gentil » sont des expressions souvent utilisées pour les décrire.
-
Deux blocages s'expriment suite à la perte d'une relation essentielle : d'une part la perte de « la possibilité d'exprimer les sentiments qui faisaient que la vie lui paraissait valoir la peine d'être vécue et, d'autre part, il est incapable d'exprimer la colère et l'hostilité que suscite en lui la perte de sa raison de vivre. » (p69)
Il consacre ensuite tout un chapitre au lien entre stress et cancer. Il cite de nombreux auteurs qui établissent un lien supposé entre cancer et aspects émotionnels. Il cite par exemple le Docteur David Kissen. J'ai pris le temps d'étudier quelques textes pour vérifier un point de contenu de ce livre. Le docteur David Kissen, de l’hôpital universitaire de Glasgow (Écosse, UK), a publié deux articles nommés « The signifiance of personaity in lung cancer in men » et « The value of a psychosomatic approach to cancer » en 1966 dans le journal scientifique « Annals of the New York Academy of Sciences » ( ce journal scientifique est sérieux et une des revues les plus ancienne de ce type aux états-unis, elle existe depuis 1817). David Kissen, spécialisé dans la recherche sur le psychosomatique et notamment sur les cancer du poumon, y annonce très clairement qu'il est très difficile de prouver scientifiquement le lien entre cancer et personnalité. Il y présente plus son « impression globale » au cours de sa carrière, tout en argumentant avec des chiffres et données. Kissen estime qu'il est possible de définir des profils à haut risque, sur des aspects physiques (fumeur, environnement pollué) ainsi que psychologiques. Pour ces derniers aspects, ce qui ressort le plus est : (people who have a) « personality is a poor outlet for emotional discharge », ce qui peut se traduire par : des personnes ayant peu d'exutoire pour les décharges émotionnelles. David Kissen propose des hypothèses qui appuient celles de LeShan.
LeShan cite ainsi une dizaine de docteurs allant dans son sens, citant aussi philosophes (Heideger...) ou encore Galien, célèbre médecin grec du IIème sciècle.
Dans les chapitres suivants, LeShan explique en partie sa psychothérapie et comment il est arrivé à créer cette méthode. Il évoque en plusieurs points comment sa théorie se base sur des concepts loin des psychothérapie d'influence psychanalytique (Freud).
Voici les principaux éléments exposés de sa méthode « la thérapie de choc » :
-
Elle est faite principalement pour les cancer en phase terminale.
-
Il faut porter beaucoup d'intérêt au patient, devenir presque « son meilleur ami », le but étant de remplacer la relation vitale perdue (exemple : perte d'un être cher). Le thérapeute doit être la bouée de sauvetage qui relie le patient au monde. L'empathie doit être grande et le contact réel et profond. Aucun sentiment de pitié ne doit être exprimé, car cela peut amener un sentiment d'infériorité.
-
Être très franc et complètement transparent avec le patient, ne pas retenir l'expression d'impressions et d'analyses. L'enjeu est « trop important pour les demi-mesures »(p128). Le thérapeute accepte le patient sans réserves et sans crainte. Le patient doit sentir le thérapeute comme un allié, sans gentillesse et sans prudence.
-
L'approche est « orientée sur la vie et fondée sur la conviction que l'on peut tirer le meilleur de soi-même » (p103), même dans les situations désespérées d'un cancer en phase terminale. Le thérapeute s'efforce, avec le patient, de découvrir sa vérité, qui il est vraiment. LeShan explique qu'alors, l'organisme a moins à lutter pour des défenses du moi et peut se consacrer plus à lutter contre le cancer. Page 111, il écrit : « Il s'agit plutôt de libérer chez lui (le patient) les pulsions positives qui ont été bloquées pendant si longtemps ». Un des buts étant que la personne s'autorise enfin d'« entreprendre des choses qu'elle n'aurait jamais osé auparavant et d'en tirer de réelles satisfactions »(p131).
-
Il faut découvrir les aspects positifs de la personnalité du patient et les mettre en avant. Pour cela, il faut se détacher d'un raisonnement logique et déductif. « Il faut que l'individu découvre son propre système de valeurs » (p134). « C'est à dire quel genre de personne il est, quels types de relations lui paraissent les plus valables, quelles sont celles qui seraient les plus gratifiantes et les plus satisfaisantes pour lui. Car lorsqu'un individu renonce à ses valeurs et cherche à être aimé des autres en se conformant à leurs désirs, l’existence lui paraît inévitablement comme une suite de frustrations et de déceptions sans fin – il est d'ailleurs déçu non seulement par les autres mais par lui-même. Et le désir de vivre étouffé par le mépris de soi peut alors facilement céder le pas au désespoir. »(p135).
-
Les soucis personnels du thérapeute, comme son amour-propre, la souffrance si le malade devait mourir, doivent être d'ordre secondaires. On se centre sur le patient.
-
L'ombre de la mort qui plane au dessus de la personne atteinte d'un cancer en phase terminale permet au patient de s'ouvrir plus facilement à son « vrai moi ».
-
Le thérapeute doit transmettre « sa foi dans les possibilités de l'être humain et son ardeur à déceler les ressources qui sont cachées en eux-même »(p128).
-
Le thérapeute doit expliquer dès le début qu'il comprends le point de vue du patient, notamment sur le désespoir, comment il en est arrivé là et lui dire que sa vision du monde est fausse et que le problème peut être résolu. Il doit comprendre qu'il s'est renié lui-même. Il doit comprendre aussi, que, même si le thérapeute va l'y aider, la solution doit venir de lui.
-
Le thérapeute doit introduire la notion de « troisième voie ». La première étant d'être pleinement soi-même et de risquer de perdre l'amour des autres et de s'exposer, cela pourrait mener à un désespoir. La seconde est d'être la « gentille petite personne » (pour sa mère?) et de s'efforcer d'être parfait pour les autres, pouvant mener aussi à un désespoir. Dans la troisième voie, on donne priorité à nos propres aspirations, on avance, sans pression, on crève les abcès les uns après les autres. On tente de sortir du jugement des autres pour observer le jugement sur soi-même et pourquoi on a tant refoulé son moi. Il s'agit de passer de « mort à soi-même » à être soi-même, être en mesure d'exprimer sa vrai personnalité. Lorsque le patient comprends qu'une troisième voie lui est ouverte, s'en suit souvent une crise existentielle. On peut l'inviter alors à partir seul, si c'est possible, quelque part et d'apprendre à observer ses envies et ses propres réactions. On l'invite encore à prendre du temps pour lui-même. La troisième voie passe par un thérapie comme la thérapie de choc. Dans cette troisième voie, on est aidé par le thérapeute et non plus livré à nous même. Le thérapeute soutient le patient dans ses démarches pour faire ce qu'il a envie de faire, en dépit parfois de la famille et des proches. Cette troisième voie peut mener à la guérison, le thérapeute doit toutefois faire attention de ne pas donner de « faux espoirs ». Dans cette voie, on doit se persuader « qu'il est possible de se préoccuper des autres et d'assumer ses responsabilité vis-à-vis d'autrui sans sacrifier pour cela sa propre vie » (p183).
-
Le thérapeute doit utiliser un outil nommé « La machine à remonter les temps ». LeShan en prends l'inspiration de la pièce de Arthur Laurents :« A Clearing in the Woods ». Il s'agit de faire visualiser au patient une scène de son enfance, caractéristique d'une frustration, par exemple et de lui dire « Que feriez vous aujourd'hui si vous pouviez pénétrer dans votre chambre d'enfant »(p142) après cette scène et que vous puissiez interagir avec cet enfant ? On peut refaire cet exercice sur la même scène jusque ce que cela arrive à une conclusion amenant une réaction vive, voir une abréaction (réaction émotionnelle forte libératrice). La notion d'amour envers l'enfant qu'on a été peut être centrale. (On y voit un lien avec l'enfant intérieur utilisé dans les thérapies positives).
-
Une fois que l'individu a vraiment compris qu'il avait condamné et rejeté son moi intérieur, la situation est comparée à un tribunal où il est juge, jury et accusé. La psychothérapie est comme un nouveau procès avec cette fois ci un avocat : le thérapeute et le regard de deux adultes sur les jugements enfermant d'un enfant sur lui-même.
-
« Que voulez-vous faire de votre vie ? » (p145) est la question centrale de la thérapie. « Quel est votre désir le plus profond ? » On cherche un but à atteindre pour être plus soi-même. Ce but peut paraître infaisable, on commence alors par : « pour mettre ce projet à exécution, quelle est la première chose que vous devez faire ? » (p148). Il s'agit alors de parler en terme d'actions et d'avancer pas à pas. On met en place un plan d'action que l'on tente de suivre.
-
La technique du « jeu des prédictions » permet de se détacher des moments de frustration vécus avec les autres. Par exemple, un patron qui vous rabaisserait sans cesse, la prochaine fois que vous le croisez, demandez vous : « De quelle manière va t' il encore me rabaisser ? Utilisera t-il la technique numéro 3 qu'il a déjà utilisé la dernière fois ? ». Cela permet un détachement de la situation.
-
« Généralement, lorsque la personne atteinte d'un cancer commence à redécouvrir la part de lui-même qu'il avait renié et à trouver un sens à sa vie, il semble qu'il puisse mieux supporter ses souffrances » (p169).
-
La thérapie peut inclure des membres de la famille qui seront « convoqués » à la rencontre du thérapeute. Cela a pour but d'abaisser au maximum les pressions reposant sur les patients et de faire comprendre aux proches que la personne a besoin de changer pour aller mieux. C'est aussi une occasion d'aller à l'encontre des diagnostics posés par les médecins et continuer à parler d'espoir, tout en les préparant à l'éventuel départ. Déculpabiliser les enfants des patients est aussi dans le rôle du thérapeute. Là aussi, la franchise doit être de rigueur.
Dans sa conclusion, LeShan relativise ses succès, les mettant en relief de ceux qui décèdent malgré tout, mais en ayant vécu leurs derniers mois avec une intensité de vie « merveilleuse ». Il propose aussi de poser les questions suivantes, de manière préventives, en observant si l'une d'elle nous interpelle, et que cela nous invite dès maintenant à aller se rencontrer :
« 1- Suis-je capable d'exprimer ma colère lorsque je suis particulièrement furieux ?
2 – Est-ce que j'essaie de tirer le meilleur parti des choses, quoi qu'il arrive, sans jamais me plaindre ?
3 – Ai-je divers centre d'intérêts et sources de plaisir dans la vie ou toute mon énergie est-elle centrée sur une relation particulière (travail, conjoint, enfants, etc.), de sorte que si je venais à perdre cette relation, je n'aurais plus de raison de vivre ? (Par exemple, si je devais prendre ma retraite, ne préférerais-je pas mourir ? Lorsque mes enfants me quitteront, est-ce que j'estimerai que ma vie vaut la peine d'être vécue?)
4 - Est-ce que je me considère comme quelqu'un d'estimable et digne d'être aimé ou est-ce que je me figure la plupart du temps être moins que rien ? Est-ce que je me sens seul, isolé des autres, rejeté ?
5 – Est-ce que j'ai fait de ma vie ce que je voulais en faire? Mes relations avec autrui sont-elles satisfaisantes ? Suis-je raisonnablement optimiste ou au contraire sans espoir aucun de jamais m'épanouir ?
6 – Si j'apprenais qu'il ne me restait plus que six mois à vivre, continuerais-je à mener la même vie ? Ai-je des rêves, des ambitions et des désirs non réalisés dont je n'ose parler à personne et qui m'ont tourmenté toute ma vie ? » (p183)